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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 28 Mai 2015
Frédéric Sicard : Nous avons choisi de placer nos candidatures sous le double auspice de la liberté et du service afin d'affirmer notre indépendance et nos engagements de proximité, de travail et de mesures concrètes.
Nous croyons infiniment que les avocats sont des acteurs de liberté au quotidien. Etre avocat c'est, par définition, être partisan, indépendant et engagé.
Libres et intègres, nous resterons des avocats au service de toutes nos consoeurs et de tous nos confrères pour un Ordre exemplaire.
De plus, le mot "service" est à l'origine même du Bâtonnat. Le bâton, c'est le soutien que l'on apportait à celui qui avait besoin d'un appui. Les avocats doivent pouvoir se dire qu'il y a quelqu'un sur qui ils peuvent s'appuyer, pour pouvoir justement vivre le métier comme une liberté de servir.
Lexbase : Comment s'est fait le choix de votre tandem avec Dominique Attias ?
Frédéric Sicard : J'ai découvert Dominique Attias lorsque nous avons siégé ensemble au conseil de l'Ordre, ainsi qu'au Conseil national des barreaux. Ce qui nous intéresse c'est de savoir ce que cela donne en pratique, et quelle est concrètement la solution. Cela nous a donc beaucoup rapprochés et nous avons constaté que nous avons une vision commune des choses.
S'il y a un message que nous voudrions faire passer avec Dominique, c'est qu'il n'est pas question, bien sûr, de faire perdre son caractère illustre à cette fonction de Bâtonnier, mais il est aussi très important que le projet se tourne vers les avocats eux-mêmes. La force de ce barreau, c'est la force des engagements de chaque avocat. On ne devient jamais avocat par hasard, on devient avocat car nous avons tous un côté un peu révolté !
Lexbase : Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?
Frédéric Sicard : Le premier point concerne l'économie. Des dépenses raisonnées, des économies utiles à tous. Nous réaliserons une économie de plus de 2,5 millions d'euros, structurelle et récurrente. Nous voulons un budget ordinal concentré sur l'essentiel, pour une diminution générale et permanente des cotisations de 10 %.
Le deuxième point a trait à la démocratie ordinale. Libres et intègres, nous resterons des avocats au service de toutes nos consoeurs et de tous nos confrères. Nous devons être absolument exemplaires en termes de démocratie ordinale. Nous voulons des ordres du jour travaillés à l'avance, des séances publiques en ce qu'elles seront retransmises pour les avocats. Nous instaurerons la transparence du fonctionnement du conseil de l'Ordre et la possibilité de poser des questions directes au conseil par les avocats. Nous rendrons participative une partie du budget de l'Ordre. Nous voulons aussi qu'il y ait une véritable consultation de l'assemblée générale sur les questions de principe et sur les grandes directions que doit emprunter la profession.
Troisièmement, nous voulons inspirer l'innovation : faire du futur une force, anticiper pour ne pas subir. Nous voulons développer cet esprit entrepreneurial que les deux Bâtonnats précédents ont déjà saisi pour réussir à le développer. Nous considérons, pour notre part, qu'il faut aller jusqu'à parler argent. C'est l'idée de la mise en place d'un fonds de soutien créatif.
Nous répondrons aux besoins de financement des start-up du droit par une aide dynamique et un coup de pouce financier.
Quatrièmement, nous voulons qu'il y ait un véritable lobbying, défenseur des droits des avocats. Nous voulons une profession enfin influente dans la sphère publique, par la mise en place d'une véritable stratégie d'influence. Et pourquoi pas un projet emblématique, comme l'installation au palais historique d'un premier centre consacré à la promotion des méthodes alternatives de règlement des conflits ?
Enfin, nous voulons une nouvelle expérience digitale et humaine de l'accueil. Je crois que l'Ordre fonctionne assez bien mais tout le monde oublie qu'il y a douze pôles d'activité et on ne sait plus très bien à quoi ils correspondent. Nous souhaitons donc créer un front office accessible en digital et en présentiel, et pas seulement une maison numérique virtuelle. Nous souhaitons aussi que chacun ait un endroit où être accueilli à titre personnel, où chacun aura en front office un interlocuteur qui se chargera de répondre à ses besoins et de lui trouver le service qui répondra le mieux à sa demande.
Lexbase : Quelle est votre vision de la gouvernance de la profession ?
Frédéric Sicard : Il est très clair qu'un jour il faudra revoir la gouvernance et que l'objectif sera, à terme, d'avoir un Ordre national et même un Ordre européen. Pourquoi ? Parce que les vraies décisions sont prises au niveau européen, et qu'il est anormal que nous n'ayons pas d'élus au suffrage direct qui représentent cette importante population de juristes en Europe. Quant au concret et à l'immédiat, nous considérons que l'interlocuteur principal des pouvoirs publics est le CNB, qu'il n'y a pas de rupture entre la province et Paris, qu'il n'y a que des avocats en France et que nous devons travailler ensemble.
Cela ne veut pas dire pour autant que Paris doit s'effacer, cela ne veut pas dire que Paris n'a pas son mot à dire, cela veut juste dire qu'il faut travailler ensemble.
Lexbase : Quels regards portez-vous sur l'interprofessionalité et le périmètre du droit ?
Frédéric Sicard : Il faut ouvrir les champs des possibles sans renoncer à son identité. Si nous avons une maison commune avec d'autres professions réglementées, comment organise-t-on le secret de l'avocat ? Quelle est la définition du secret que l'avocat ne pourra pas partager avec l'autre profession réglementée ? Comment sera traitée la question de la règle du conflit d'intérêts qui n'est pas exactement la même, qui n'a pas le même objet suivant la profession ? Il faut commencer à traiter le problème, c'est-à-dire travailler et à ce moment là construire l'interprofessionalité. Nous devons travailler en amont ce que doit être la répartition des rôles de professions réglementées, dans l'interprofessionalité. Idéalement, il faudrait trouver les décrets d'application avant d'avoir écrit la loi !
Lexbase : L'avocat en entreprise est pour le moment enterré mais se pose en revanche la question du legal privilege. Quelle est votre position sur ce point ?
Frédéric Sicard : Le legal privilege est une mauvaise piste. Contrairement au postulat de départ, je ne suis pas certain que l'on puisse enterrer le dossier de l'avocat en entreprise car c'est une question européenne.
Il faut réfléchir à ce que pourrait être l'avocat en entreprise. Nous ne pouvons pas voter pour quelque chose dont nous ne connaissons pas les conséquences pratiques. Il faut d'abord écrire le projet, régler les problèmes de conflits d'intérêts, de clause compromissoire, etc.. Tout cela doit être traité, et une fois traité il faut réfléchir aux principes et demander à la majorité ce qu'elle veut. C'est la majorité des avocats et non pas deux personnes dans un bureau secret et oublié du conseil de l'Ordre qui doivent en décider. Il faut poser la question à l'ensemble du barreau de Paris et, je l'espère, aux barreaux de province. C'est cette question que nous nous engageons à travailler pour qu'elle soit réglée.
Lexbase : De plus en plus de jeunes avocats arrivent sur le marché et raccrochent la robe rapidement, ou partent en entreprise et vivent avec un revenu moyen décourageant. Que proposez-vous pour la jeune génération ?
Frédéric Sicard : D'abord, nous avons un avenir évident puisque si l'on regarde l'histoire de notre planète, le droit va rester la dernière des libertés à conquérir... Cette liberté justifie que nous aurons toujours besoin de plus d'avocats pour intervenir sous forme de conseil, sous forme de règlement amiable ou sous forme de contentieux. Et parce que la complexité du droit va avec sa généralisation, nous avons besoin de spécialistes.
Ensuite, nous avons besoin de rationnaliser notre développement. Il faut tenir la promesse qui a été faite depuis six ans d'un examen national pour un peu plus d'égalité.
Enfin, il faut intervenir dans les universités pour dire aux jeunes que le choix de la voie du droit est une bonne chose mais qu'il faut qu'ils connaissent l'état du marché.
Lexbase : Quelles pistes concrètes proposez-vous pour aider à l'installation des jeunes avocats ?
Frédéric Sicard : Notre profession doit être pro active et aller de l'avant. L'Ordre ne peut pas se substituer aux établissements financiers mais peut donner un coup de pouce en mettant en place un système d'avance au bénéfice des confrères qui s'installent. L'Ordre aidera en outre les confrères à construire un dossier financier qui leur permette de décrocher des prêts bancaires, et leur proposera l'accompagnement par un autre confrère qui sera heureux de les aider à investir et à se développer. C'est la mise en oeuvre concrète de l'objectif européen. Et c'est ce que nous proposons de lancer avec le fonds créatif. Tout ceci étant dans la même logique de solidarité d'un Ordre, d'un bâton qu'on se passe, un relais qui fait que cette histoire s'inscrit dans le présent et l'avenir...
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