Réf. : Ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : Z955378U) ; modifiant la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis (N° Lexbase : L5536AG7)
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par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit, chargé d’enseignement à l’IUT de Bordeaux
le 18 Décembre 2019
Attendue par l’ensemble des praticiens du droit de la copropriété, la première étape de la réforme du droit de la copropriété est franchie avec la parution de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019. Cette ordonnance, que le législateur été habilité à prendre par la loi «ELAN» (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 N° Lexbase : L8700LM8) remanie assez profondément le droit de la copropriété, notamment quant aux mécanismes de prise de décision en copropriété dont nous proposons ici l’étude.
1. En matière de prise de décision en copropriété, l’ordonnance du 30 octobre 2019 a poursuivi une œuvre législative entamée depuis déjà trente ans [1] et dont le point d’orgue fut la loi «ALUR» (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 N° Lexbase : L8342IZY) qui avait assez largement modifié les règles relatives à la prise de décision en copropriété. Le législateur ne s’est, toutefois, pas contenté ici de modifier les règles de majorité. Le titre III de l’ordonnance modifie en effet, d’abord, les règles de représentation aux assemblées générales en cas d’indivision et de démembrement du droit de propriété (I). Il est également institué un droit à tout copropriétaire de «solliciter» une assemblée générale pour faire inscrire à l’ordre du jour une ou plusieurs questions ne portant que sur ses droits ou obligations (II). Le législateur a, en outre, pris le soin de modifier, déjà, le droit de vote par correspondance introduit par la loi «ELAN» afin de lever certains doutes que la doctrine avait pu formuler [2] (III). L’ordonnance n’a pas fait l’économie d’une réforme, plus modeste que la loi «ALUR» sur le sujet, mais non sans une importante incidence, des règles de majorité (IV) corrélée par un aménagement de la procédure de prise de décision des travaux d’accessibilité (V). L’ordonnance a, enfin, modifié la procédure relative à la souscription d’un emprunt collectif dont elle a imposé le questionnement de l’assemblée (VI), et apporté une précision relative à la notification du procès-verbal [3] (VII).
I - Aménagement des règles de représentation aux assemblées générales en cas d’indivision et de démembrement du droit de propriété
2.1. Institution d’un mécanisme supplétif de représentation. L’article 22 de l’ordonnance modifiant l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965, instaure un mécanisme de représentation, à défaut d’accord entre les parties, pour les cas de démembrement de propriété. Si la solution de la représentation par mandataire commun reste identique pour l’indivision, et nécessite, donc, un accord entre ses membres, une solution nouvelle est instituée en prévoyant la représentation des usufruitiers, à défaut d’accord, par le nu-propriétaire. Le recours à un mandataire commun conventionnellement désigné ne sera ainsi nécessaire qu’en cas de pluralité de nus-propriétaires. Dans les autres cas de démembrement, par exemple lorsque le droit de propriété est dissocié des droits d’usage et d’habitation, le pouvoir de représentation est délégué, à défaut d’accord, au propriétaire. La règle permet une utile simplification et limitera les cas d’absence de représentation.
2.2. La désignation judiciaire du mandataire commun à défaut d’accord lorsqu’il est nécessaire. Pour les cas où le mandataire commun nécessite un accord, c’est-à-dire en cas d’indivision ou de pluralité de nus-propriétaires, et que cet accord n’est pas trouvé, le législateur a conservé le mécanisme de recours au juge, en l’occurrence le président du tribunal judiciaire, qui sera saisi, soit par l’un d’entre eux soit par le syndic. Dans ce dernier cas, le législateur a ajouté à la règle préexistante que les frais seront supportés par les indivisaires ou les nus-propriétaires. Reste à savoir s’ils devront y être condamnés par le juge ou si le syndic pourra leur réclamer comme des charges de copropriétés en affectant la créance du syndicat sur leur compte individuel de copropriétaire… Le décret apportera certainement des précisions sur cette procédure.
II - La faculté pour tout copropriétaire de solliciter une assemblée générale
3. L’article 23 de l’ordonnance ajoute à la loi de 1965 un nouvel article numéroté 17-1 AA disposant le droit, pour tout copropriétaire, de «solliciter du syndic une assemblée générale pour faire inscrire à l’ordre du jour une ou plusieurs questions ne portant que sur ses droits ou obligations». Cette faculté s’additionne donc au pouvoir, plus général, du conseil syndical ou des copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires de demander la convocation de l’assemblée générale (décret du 17 mars 1967, art. 8 N° Lexbase : L5599IGH). La formulation employée pour ce dernier cas est, toutefois, plus limpide. Il est, en effet, clairement précisé que la convocation est «de droit». Ici, l’ordonnance a retenu une formulation plus sibylline puisqu’il est prévu qu’un copropriétaire «peut solliciter», ce qui n’emporte pas, selon nous, le droit d’obtenir. Bien entendu l’esprit du texte le suppose, mais une rédaction plus nette eût été souhaitable afin d’éviter d’inutiles querelles. Le décret apportera certainement des précisions utiles afin de limiter les problèmes qui pourraient en résulter, également en matière de délai de convocation. Reste, toutefois, un important problème relatif à l’objet de la demande. Le législateur a précisé qu’elle ne pouvait porter que «sur ses droits ou obligations». Or en matière de «co»propriété les droits et obligations exclusifs à un copropriétaire sont finalement assez peu nombreux. Il faudrait, ainsi, exclure toutes les questions relatives à la modification des tantièmes, du règlement de copropriété, de destination de l’immeuble, ainsi que de travaux touchant aux parties communes, etc.. Pourtant, ce sont les cas les plus fréquents de demandes, car ils concernent les parties privatives des copropriétaires : raccordement du réseau d’eau d’un lot à une colonne commune, modification de l’usage ou de la destination d’un lot, etc.. Ces demandes ne portent, toutefois, pas exclusivement sur les droits ou obligations d’un copropriétaire, mais ont bien une incidence sur ceux des autres : la modification des tantièmes de copropriété ou de charges modifient corrélativement l’engagement des autres, la modification de l’usage ou de la destination du lot peut modifier celui de l’immeuble, et ainsi de suite. La portée du texte pourrait, en conséquence, être bien plus limitée qu’il n’y paraît et se restreindre à des questions telles que le changement des fenêtres, de la porte du lot, etc.. Et encore, ces questions peuvent avoir trait à l’esthétique de l’immeuble, ce qui n’est pas sans incidence sur les droits et obligations des autres copropriétaires. La pose d’une claustra sur un balcon pourrait, par exemple, créer un précédent ouvrant droit aux autres d’en bénéficier… Il paraît, ainsi, difficile de déterminer la portée du texte et l’assiette du droit concédé à chaque copropriétaire.
III - La réaffirmation et la simplification du vote par correspondance
4. L’article 24 de l’ordonnance modifie l’article 24 de la loi de 1965 en ajoutant, d’abord, formellement, la référence au vote par correspondance [4]. Ce mécanisme est, donc, réaffirmé alors qu’il restait pourtant jusqu’alors impossible à mettre en œuvre, faute de décret d’application, et soulevait des problèmes pratiques [5]. Le mécanisme initial prévoyait, en effet, que le copropriétaire ne donnant pas de consigne précise ou s’abstenant d’en donner serait considéré comme opposant. Cette mesure ne semblait pas refléter convenablement la réalité et l’ordonnance l’a, en conséquence, modifiée. Dorénavant, l’article 17-1 A, dont le deuxième et troisième alinéa sont modifiés par l’article 30 de l’ordonnance dispose que les copropriétaires voteront par correspondance au moyen d’un formulaire établi conformément à un modèle fixé par arrêté. Surtout, l’article précise que, si la résolution, objet du vote par correspondance est amendée en cours d’assemblée générale, le votant par correspondance sera considéré comme défaillant, et non plus comme opposant. Il faudra, en outre, et cela résulte de la suppression des dispositions antérieures, considérer l’abstentionnisme ou le copropriétaire n’exprimant pas clairement son vote comme un abstentionniste, et non comme un opposant. Un décret devra, enfin, d’après le texte nouveau, préciser les modalités de remise du formulaire au syndic. Restera à savoir comment l’assemblée se tiendra lorsque tous les copropriétaires voteront par correspondance et/ou par visio-conférence, puisque dans ce cas, ni le président ni les scrutateurs ne pourront certifier le procès-verbal et la feuille de présence… Peut-être faudrait-il, ici, prévoir la possibilité de signer par voie électronique, au moins pour les personnes en visio-conférence, la feuille de présence et le procès-verbal ou, à défaut, envisager une solution alternative.
IV - Modification des règles de majorité
5. La tendance à l’abaissement des règles de majorité, initiée par la loi «ALUR», est poursuivie par cette nouvelle réforme. Il ne s’agit pas d’un abaissement systématique, mais de quelques modifications choisies afin de permettre de prendre certaines décisions à la majorité simple (A) ou absolue (B). L’article 26 est, également, modifié pour des raisons de clarification (C). Enfin, ce mouvement de facilitation des prises de décisions est renforcé, plus généralement, par l’institution d’une nouvelle passerelle permettant de voter à la majorité absolue les décisions nécessitant initialement la «double majorité» de l’article 26 (D).
A - Modifications de l’article 24
6. L’article 24 de l’ordonnance modifie l’article 24 de la loi de 1965 en remplaçant les dispositions de l’actuel e). Celui-ci visait le mécanisme d’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer des travaux d’accessibilité. La mesure ayant fait l’objet d’une réforme, elle est donc supprimée de cet article et instituée à un article 25-2 [6]. Le nouvel article 24 e vise dorénavant la suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène qui figurait auparavant à l’article 25 g. La majorité est donc abaissée [7].
7. L’article 24 de l’ordonnance rétablit également le h) de l’article 24 de la loi de 1965, avec un contenu différent. Le h) dans sa version antérieure à la loi «ELAN» visait les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique de l’immeuble. La loi «ELAN» avait augmenté la majorité nécessaire en l’inscrivant à l’article 25. Le nouvel article 24 h) visera, dorénavant, «l’autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties communes» qui figurait à l’article 25 i. La majorité est donc, ici aussi, abaissée.
8. L’article 24 de l’ordonnance supprime, enfin, le III de l’article 24. Cette mesure est une mesure de mise en harmonie puisque le contenu, partiellement modifié, est transféré à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965. Cette modification permet de regrouper les règles relatives aux parties communes spéciales, aux charges spéciales, et aux règles de prises de décisions relatives à celles-ci. Le regroupement, accompagné par les précisions inscrites à l’ordonnance, apportent ainsi plus de clarté.
B - Modifications de l’article 25
9. L’article 25 de l’ordonnance modifie l’article 25 de la loi de 1965 par le remplacement du a) relatif à la délégation de pouvoir que l’assemblée générale peut concéder. L’ancien texte ne précisait pas, ou maladroitement seulement, les titulaires possibles de cette délégation. Le nouveau texte est plus explicite et vise dorénavant le syndic, le conseil syndical (et non les membres de celui-ci, bien que le conseil ne soit pas doté de la personnalité juridique) et, plus généralement, «toute personne». Le champ personnel de la délégation est, donc, très large.
Le champ matériel de celle-ci est, toutefois, plus réduit puisqu’il ne pourra pas porter sur un ensemble d’actes, comme c’était déjà le cas [8]. L’assemblée ne pourra déléguer que le pouvoir de prendre «un acte ou une décision mentionnée à l’article 24». Cette délégation se distingue, donc, très clairement de la délégation, pouvant porter sur un ensemble d’actes ou de décisions prévues aux articles 21-1 et suivants [9] introduits par l’ordonnance à la loi du 10 juillet 1965. Par ailleurs, et c’est une nouveauté commune avec la délégation évoquée à l’instant, l’assemblée devra fixer le montant maximum des sommes allouées lorsqu’elle autorise le délégataire à décider des dépenses. Cette précision, obligatoire, limitera donc, également, le pouvoir concédé par l’assemblée générale.
Est, enfin, supprimée, la faculté de l’assemblée, lorsque le syndicat comporte au plus quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, de déléguer le pouvoir de mettre en application et de suivre les travaux et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel de charges. Le syndic ne pourra, ainsi, plus être autorisé, comme c’était le cas par dérogation à l’interdiction qui lui est faite par l’article 18 IV de se faire substituer, à déléguer des missions qui relèvent de ses fonctions. Il faut, toutefois, noter que cette demande pouvait ne pas émaner du syndic, mais des copropriétaires. Il ne sera ainsi plus possible pour l’assemblée des copropriétaires de déléguer les pouvoirs du syndic lorsqu’elle entend voir réaliser ces actes par un tiers. En ce sens, les pouvoirs propres du syndic sont consolidés, indépendamment de toute décision de l’assemblée générale qui ne pourra plus lui soustraire.
10. L’article 25 modifie, également, le g) de l’article 25. Celui-ci visait antérieurement, nous l’avons dit, la suppression des vide-ordures qui sera, à compter du 1er juin 2020, décidée à la majorité de l’article 24. Est substituée à cet alinéa la décision relative aux «modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles» qui figurait à l’article 26 c [10]. La rédaction est inchangée et consiste, donc, simplement en un abaissement de majorité. Il sera, donc, dorénavant, plus simple de modifier ces modalités sous réserve, toutefois, de continuer, puisque c’était déjà le cas, à veiller à ce que la fermeture envisagée, lorsqu’elle est totale, est compatible avec l’exercice d’une activité autorisée par le règlement de copropriété.
11. L’article 25 de l’ordonnance modifie, enfin, le i) de l’article 25 de la loi de 1965 qui était relatif à l'installation de compteurs d'énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage. Est dorénavant visée la délégation -qui se distingue d’une simple autorisation- de pouvoir au président du conseil syndical d'introduire une action judiciaire contre le syndic en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires. Est, ici, visée l’action ut singuli introduite par l’article 12 de l’ordonnance et offrant la faculté au président du conseil syndical, sur délégation de l’assemblée, prise donc à la majorité de l’article 25, d’exercer une action contre le syndic, en cas de carence ou d’inaction de celui-ci, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires [11].
C - Modifications de l’article 26
12. Rappel. La loi «ALUR» avait déjà emporté la diminution du nombre de décisions relevant de cette majorité renforcée, dite «double majorité». L’ordonnance poursuit ce mouvement, nous l’avons vu précédemment, puisque les décisions relatives aux modalités d’ouverture des portes d’accès sont passées à l’article 25.
13. L’article 28 de l’ordonnance modifie le dernier alinéa de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 par l’adjonction de «ou la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble». Il s’agit d’une mesure de clarification, car il était admis, tant par la doctrine que par la jurisprudence, qu’une telle décision nécessitait une décision unanime des membres du syndicat.
D - Généralisation des mécanismes de passerelles entre majorité
14. L’article 26 de l’ordonnance emporte une importante modification de l’article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 permettant de voter à l’article 24 après un vote infructueux à la majorité de l’article 25. D’abord, le mécanisme est étendu à toutes les décisions relevant de la majorité de l’article 25. Ne sont ainsi plus exclus les travaux comportant transformation, addition ou amélioration (25 n) ni la demande d’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation (25 o).
Ensuite, le mécanisme n’est plus facultatif [12] mais obligatoire. Le texte prévoyait anciennement que l’assemblée, lorsque les conditions étaient réunies, pouvait procéder au second vote. Le nouveau texte prévoit, dorénavant, que l’assemblée «se prononce». Afin de permettre valablement aux copropriétaires de voter par correspondance, il faudrait ainsi prévoir, par avance, dans la convocation, la résolution selon ces deux majorités. A défaut, il y a un risque pour que l’opposant au premier vote devienne abstentionniste au second, ce qui n’aurait pas de sens. Peut-être une précision par décret pourrait-elle permettre, également, de simplifier les choses en indiquant que le copropriétaire votant par correspondance exprimera, à défaut de précision, la même opinion pour le premier et le second vote lorsque ce mécanisme sera mis en application.
L’ordonnance supprime, enfin, un mécanisme pourtant fort utile. En effet, si la passerelle entre l’article 25 et 24 est conservée, la faculté de convoquer l’assemblée générale en soumettant la résolution directement à l’article 24, lorsque le projet n’avait pas recueilli le tiers des voix de tous les copropriétaires nécessaire à l’application du mécanisme de l’alinéa 1er de l’article 25-1, est supprimée. Le législateur restreint, donc, le mécanisme à une situation d’absentéisme relatif : le tiers des voix. En deçà, la résolution devra être proposée lors d’une nouvelle assemblée générale, convoquée dans les délais habituels et de nouveau à la majorité de l’article 25.
15. Outre l’abaissement de certaines règles de majorité, la lutte contre les effets de l’absentéisme se poursuit par l’instauration d’une nouvelle passerelle permettant l’abaissement indirect des règles de majorités. L’article 29 de l’ordonnance ajoute, ainsi, un nouvel article numéroté 26-1 à la loi de 1965 qui dispose que «Nonobstant toute disposition contraire, lorsque l'assemblée générale n'a pas décidé à la majorité prévue au premier alinéa de l'article 26 mais que le projet a au moins recueilli l'approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les copropriétaires en procédant immédiatement à un second vote». Le mécanisme de «passerelle» est ainsi étendu, dans une version similaire mais non identique, à la majorité de l’article 26 et devra donner obligatoirement lieu, immédiatement, lorsque les conditions sont réunies, à un second vote. Cette passerelle ne vise toutefois, il faut le souligner, que les décisions de l’alinéa premier de l’article, et donc celles relevant de la «double majorité» et non celles relevant de l’unanimité qui restent exclues de ce mécanisme.
V - L’aménagement de la procédure de prise de décisions de travaux d’accessibilité
16. L’article 27 de l’ordonnance insère, après l’article 25-1, un article nouveau numéroté 25-2. Ce nouvel article autorise tout copropriétaire à réaliser, à ses frais, des travaux pour l’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou à mobilité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. L’ancien système qui prévoyait une autorisation préalable nécessaire disparaît. Tout copropriétaire aura ainsi le pouvoir, librement exerçable, d’agir sur les parties communes, à charge, seulement, de notifier au syndic une demande d’inscription d’un «point d’information» à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, accompagnée d’un descriptif détaillé des travaux envisagés [13].
Le législateur a, toutefois, prévu un mécanisme d’opposition à ces travaux, par l’assemblée générale. Celle-ci devra, si elle entend s’y opposer, en prendre la décision motivée à la majorité des voix des copropriétaires. Ce mécanisme d’opposition permet de révéler que la notification faite par le copropriétaire soit celle d’un projet et non de travaux réalisés et qu’ainsi, s’il n’a pas à être «autorisé» il ne doit pas être «empêché». Ainsi, le «point d’information» est en réalité une question devant permettre à l’assemblée décider de s’opposer, ou non, au projet qui lui est soumis. L’assemblée ne pourra, toutefois, s’opposer qu’en raison d’une véritable justification, explicitement motivée, qui ne pourra être d’ordre simplement esthétique. En effet, pour être recevable, l’opposition devra, d’après le texte, être justifiée par l’atteinte portée à la structure de l’immeuble, ses éléments d’équipements essentiels ou par la non-conformité des travaux à la destination de l’immeuble.
Si les travaux sont réalisés, le copropriétaire assurera la maîtrise d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux. Ces travaux, s’ils sont réalisés sur les parties communes seront, donc, par incorporation, une propriété commune. Ceci implique que l’entretien des éléments d’équipements ou des éléments de structures nouveaux seront à la charge du syndicat des copropriétaires. Il nous semble, néanmoins, que la mesure pourrait poser des difficultés, par exemple, en cas d’installation d’un ascenseur répondant aux normes d’accessibilité aux personnes handicapées qui ne desservira qu’un étage. Il faudra, alors, modifier le règlement de copropriété afin de prévoir la répartition des charges de cet élément d’équipement, ce que le texte ne prévoit pas. Un mécanisme devrait être permis pour faciliter cette modification à défaut de quoi des problématiques importantes se poseront lorsque le syndicat, faute de pouvoir empêcher les travaux, refusera de modifier le règlement pour ne pas prendre en charge financièrement ces éléments dont un seul aurait l’utilité.
VI - Dispositions nouvelles relatives à la souscription d’un emprunt collectif copropriété
18. L’article 27 de l’ordonnance ajoute un article 25-3 à la loi de 1965 disposant que, «lorsque l’assemblée générale des copropriétaires est appelée à se prononcer sur les travaux mentionnés à l'article 26-4, la question de la souscription d'un emprunt collectif destiné à financer ces travaux est inscrite à l'ordre du jour de la même assemblée générale». Il sera, donc, à compter du 1er juin 2020, obligatoire pour tous les syndicats votant la plupart des travaux de s’interroger sur la souscription de l’emprunt collectif de copropriété institué en 2012 [14]. En effet, cet article 26-4 vise les «travaux régulièrement votés concernant les parties communes» ainsi que les «travaux d’intérêt collectif sur les parties privatives régulièrement votés» et les «actes d’acquisition». Cette obligation, qui n’emporte pas obligation de souscrire, pèsera donc, au premier chef, sur le syndic qui devra inscrire cette question à l’ordre du jour. Cette mesure devrait permettre d’encourager les copropriétaires à la réalisation des travaux importants. Toutefois, nous notons ici une difficulté dans la mesure où la plupart des établissements de crédits impose des seuils minimums d’emprunt [15]. En conséquence, si le syndic a l’obligation de mettre à l’ordre du jour la question de l’emprunt, celui-ci ne pourra matériellement pas être souscrit lorsque le montant des travaux est en dessous du seuil. Aussi, nous souhaitons bien du courage dans cette situation aux représentants des syndicats qui devront expliquer l’obligation légale d’interroger l’assemblée sans que la résolution, si elle était adoptée, ne puisse être suivie d’effet parce que le montant des travaux est inférieur au seuil minimal d’emprunt… Peut-être le décret à venir précisera-t-il les conditions de mise en œuvre de cette obligation et corrèlera celle-ci au seuil minimal exigé. Il faut en tout cas l’espérer.
19. Relativement à la souscription de cet emprunt, l’article 30 de l’ordonnance remplace à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 26-4 de la loi du 10 juillet 1965 les mots «pour les copropriétaires opposants ou défaillants et, pour les autres copropriétaires, à compter de la tenue de l'assemblée générale» par «, sans ses annexes, à tous les copropriétaires» [16]. Cette modification implique que, dorénavant, le procès-verbal devra être notifié à tous les copropriétaires quelle que soit leur qualité lorsqu’un emprunt collectif est voté. Cette mesure permet d’unifier le délai dans lequel les copropriétaires doivent manifester leur volonté de souscrire. Celui-ci était jusqu’alors distinct selon que les propriétaires étaient opposants ou non. Dorénavant, le délai aura pour point de départ la notification du procès-verbal. C’est une simplification qui engendrera une légère augmentation des frais postaux, mais qui paraît utile.
VII - Précision relative à la notification du procès-verbal
20. L’article 37 de l’ordonnance modifie l’article 42 auquel sont ajoutés les termes «sans ses annexes» après les mots «procès-verbal d’assemblée». La mesure formelle entérine la pratique. Il n’était en effet pas fréquent que l’assemblée générale soit notifiée avec ses annexes, dont, au premier chef, la feuille de présence. Un doute était apparu à quelques membres de la doctrine [17] à la suite de la parution du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019. La formule règle la question.
21. Conclusion. La réforme de «la prise de décision au sein de la copropriété» est sans doute la plus consensuelle de l’ordonnance. En proposant un nouvel abaissement, mesuré, des majorités requises ainsi que l’extension du mécanisme de la passerelle de la «double majorité» à la majorité absolue, le législateur propose une véritable facilitation de la prise de décision. Il reste, toutefois, quelques zones d’ombres comme pour le droit d’un copropriétaire de «solliciter» une assemblée générale dont la portée reste assez mystérieuse ou encore le droit pour un copropriétaire de réaliser des travaux d’accessibilité sur les parties communes. La pratique éclairera, toutefois, ces nouvelles procédures comme, certainement, les décrets à venir qui devront être étudiés avec soin !
[1] V° sur l’évolution de ces règles de majorité et sur les propositions qui avaient été formulées par le GRECCO avant la réforme : Fl. Bayard-Jammes, La prise de décision par le syndicat des copropriétaires : constats et perspectives, AJDI, 2019, 499.
[2] Cette mesure figure au Titre V de l’ordonnance.
[3] Idem..
[4] Introduit par la loi «ELAN», ce mécanisme était discuté depuis de nombreuses années : v° par ex. G. Delattre et C. Becqué-Deverre, La gestion de l’immeuble bâti, AJDI, 2007, p. 549.
[5] V° par ex. A. Lebatteux, L’amélioration des «modalités de gestion de la copropriété» par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre dite Elan, Loyers et copr., n° 2, février 2019, dossier 7.
[6] V° infra, § 16.
[7] Elle l’avait déjà été par la loi du 2 juillet 2003, la suppression de cet élément d’équipement relevant en principe, auparavant, de l’unanimité puisque participant à la définition de la destination de l’immeuble. V° en ce sens, P. Capoulade, La suppression des vide-ordures, AJDI, 2010, p. 320 ; v° également QE n° 4329, réponse publiée au JOAN Q, 17 février 2003, p. 1225.
[8] V° en ce sens, Recommandation n° 13 du 8 juillet 2010 relative au conseil syndical de la commission de la copropriété.
[9] V° l’article de M. V. Zalewski-Sicard au présent dossier, Le conseil syndical : un conseil au rôle renforcé après l’ordonnance du 30 octobre 2019, Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1576BYZ) ; v° également P.-e. Lagraulet, L’administration de la copropriété réformée, AJDI, à paraître.
[10] Corrélativement, l’article 28 de l’ordonnance supprime le c de l’article 26. L’article 26 d devient ainsi l’article 26 c.
[11] V° l’article de M. V. Zalewski-Sicard au présent dossier, Le conseil syndical : un conseil au rôle renforcé après l’ordonnance du 30 octobre 2019, Lexbase, éd. priv., n° 806, 2019 (N° Lexbase : N1576BYZ) ; V° également P.-e. Lagraulet, L’administration de la copropriété réformée, AJDI, à paraître.
[12] V° sur ce caractère facultatif, Y. Rouquet, Passerelle de majorités : quelle obligation pour le syndic ?, AJDI, 2004, p. 387.
[13] Cette mesure reprend la substance du projet de loi du 2 février 2016 qui n’avait pas été suivi d’effet : v° M. Diab, Vers une simplification des travaux d’accessibilité des parties communes, D. act., 10 février 2016 ; Voir pour une analyse sur les difficultés à réaliser ces travaux en copropriété : E. Menduina Gordon, Copropriété, accessibilité et non-discrimination des personnes handicapées : vers une obligation d’aménagement raisonnable ?, RDSS, 2011, p. 533.
[14] Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, art. 103 (N° Lexbase : L5099ISN) ; les mesures d’application ont été définies par le décret n° 2013-205 du 11 mars 2013 (N° Lexbase : L3465IWA) ; V° P. Déchelette-Tolot, Le contrat de financement des travaux verts en copropriété, Loyers et copr., n° 11, novembre 2013, étude 13 ; L. Guégan-Gélinet, Le décret du 11 mars 2013 relatif à l’emprunt collectif en copropriété, Rev. Loyers, 2013, n° 936, p. 171.
[15] Le crédit foncier, par exemple, impose un emprunt minimum de 30 000 euros avec des quotes-parts par adhérent d’au moins 1 500 euros par adhérent : https://www.creditfoncier.fr/wp-content/uploads/2018/11/Plaquette-Foncier-Copro-100-S00061-Oct-2018.pdf.
[16] L’article 37 de l’ordonnance modifie également l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 en ajoutant après les mots «procès-verbal d’assemblée», «sans ses annexes».
[17] Propositions du GRECCO sur les décrets du 23 mai 2019 et du 27 juin 2019 (fonctionnement des copropriétés), v° proposition n° 4 : AJDI, 2019, p. 691.
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