Lexbase Affaires n°331 du 21 mars 2013 : Bancaire

[Textes] La transposition de la Directive "monnaie électronique 2" par la loi du 28 janvier 2013 : enfin un statut pour la monnaie électronique ? - Partie II : la création d'un statut autonome pour les établissements de monnaie électronique

Réf. : Loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (N° Lexbase : L0938IWN)

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N6252BTQ

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[Textes] La transposition de la Directive "monnaie électronique 2" par la loi du 28 janvier 2013 : enfin un statut pour la monnaie électronique ? - Partie II : la création d'un statut autonome pour les établissements de monnaie électronique. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/8034805-lexbase-affaires-n-331-du-21-mars-2013
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par Christelle Mazza, avocat au barreau de Paris, Armide Avocats

le 21 Mars 2013

L'économie et les échanges sont régulés par des opérations de paiement. Tous les acteurs de ce système, particuliers ou entreprises, utilisent chaque jour la monnaie comme instrument de ces échanges qui ponctuent la production et l'existence même d'un système économique et commercial. Doucement mais sûrement, l'économie évolue avec le développement des nouvelles technologies et peu à peu, l'échange traditionnel parti du troc, transitant par les espèces puis par la passation d'écriture, voit se développer la dématérialisation du sonnant et trébuchant. C'est cette révolution attendue, relativement silencieuse mais certaine que vient marquer la transposition de la Directive "monnaie électronique 2" (Directive 2009/110/CE 16 septembre 2009, concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements N° Lexbase : L8543IE7) dans le droit français par la loi du 28 janvier 2013. Après presque deux années de retard dont le Sénat précise, non sans argutie politique dans son rapport, que "le précédent Gouvernement a fait preuve d'un singulier manque d'anticipation" (rapport n° 247 (2012-2013) de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 décembre 2012), après menace de la Commission européenne fin avril 2012 de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour défaut de transposition et exposition à de lourdes sanctions financières, le droit français vient de créer un statut pour les établissements de monnaie électronique et une nouvelle définition de la monnaie électronique. Décryptage en deux parties : la première partie était consacrée à l'extension de la définition et du champ d'application de la monnaie électronique (lire N° Lexbase : N6251BTP), cette seconde partie ayant trait à la création d'un statut autonome pour les établissements de monnaie électronique. I - Les apports de la Directive "monnaie électronique 2"

L'élaboration de la "DME 2" et sa transposition en droit français ne peuvent s'envisager sans la lecture de la Directive "service de paiement" qui a considérablement modifié le droit applicable aux instruments de paiement, dans le cadre plus large de la migration SEPA (cf., nos obs., L'avenir des moyens de paiement en France et la migration SEPA, Lexbase Hebdo n° 304 du 12 juillet 2012 - édition affaires N° Lexbase : N2868BTE).

D'ailleurs, la "DME2" renvoie très largement à l'arsenal juridique élaboré par la Directive "services de paiement", transposée par voie d'ordonnance en droit français en 2009 (ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement N° Lexbase : L4658IEA), qui a créé le statut nouveau des établissements de paiement. Presque quatre ans plus tard et avec le retard qu'on lui connaît, la loi de transposition vient créer un troisième établissement bancaire qui vient s'insérer entre l'établissement de crédit et l'établissement de paiement.

Si ce nouveau statut a le mérite de clarifier l'ordonnancement des établissements et le régime prudentiel afférent, en fonction du degré d'activités mises en oeuvre, l'ensemble bancaire devient hétérogène alors que dans la pratique, les exigences prudentielles demeurent très lourdes, en contradiction avec une ouverture à la concurrence de l'offre de services de paiement. Peut-être que ce statut intermédiaire permettra une plus grande souplesse à l'octroi de l'agrément des établissements de paiement ou au contraire fera tomber ce statut en désuétude : les EME pouvant offrir les mêmes services que les EP, qui peut le plus, peut le moins.

La "DME 2" définit en son article 1er la liste des émetteurs de monnaie électronique de droit :
- les établissements de crédit ;
- les établissements de monnaie électronique agréés en tant que tels ;
- les offices de chèques postaux ;
- la BCE et les banques centrales nationales ;
- les Etats membres ou leurs autorités régionales ou locales lorsqu'ils agissent en qualité d'autorité publique. Au regard de la recrudescence des services dématérialisés mis en place par les collectivités au service des usagers, cette définition mérite un développement particulier et devrait ouvrir la voie à des services à forte valeur ajoutée en conformité avec les innovations technologiques. Cela n'a pas été repris néanmoins par le Code monétaire et financier.

La "DME 1" définissait les EME de façon négative, comme n'étant pas des établissements de crédit au sens de la Directive 2000/12/CE du 20 mars 2000 (concernant l'activité des établissements de crédit et son exercice, refondue par la Directive 2006/48/CE du 14 juin 2006 N° Lexbase : L1385HKI), et de façon positive, comme une entreprise qui émet des moyens de paiement sous la forme de monnaie électronique. Néanmoins, l'article 1 § 4 précisait que les Etats membres interdisent aux personnes ou entreprises qui ne sont pas des établissements de crédit d'exercer, à titre professionnel, l'activité d'émission de monnaie électronique. Ainsi, l'EME ne pouvait qu'être l'émanation d'une banque et ne disposait pas d'une véritable autonomie concurrentielle. L'article 2 faisait une référence expresse, pour les EME, aux Directives bancaires applicables aux établissements de crédit. C'est ce qui explique que la "DME 1" était une Directive assez succincte en ce que le régime prudentiel était peu ou prou le même que celui des établissements de crédit.

La seule distinction entre les établissements de crédit et les établissements de monnaie électronique concernait la réception des fonds qui pour les seconds ne pouvait constituer des dépôts et devait faire l'objet d'un échange immédiat contre de la monnaie électronique (article 2 § 3)

Désormais et afin de lui conférer un statut propre, l'EME est défini comme "une personne morale qui a obtenu, en vertu du titre II, un agrément l'autorisant à émettre de la monnaie électronique". Un nouveau titre II régit les conditions de l'accès à l'activité d'EME et son régime prudentiel propre.

A - Le régime de la demande et de l'octroi de l'agrément calqué sur celui des établissements de paiement

C'est par référence expresse à la Directive "services de paiement" que la "DME 2" prévoit le régime de constitution des établissements de monnaie électronique.

Ainsi, les exigences retenues pour le dossier de constitution de la demande d'agrément sont les mêmes que pour les établissements de paiement (DSP, art. 5) et comprennent ainsi :
- le programme d'activités ;
- un plan d'affaires et notamment un calcul budgétaire prévisionnel sur trois ans ;
- la preuve du dépôt du capital initial ;
- un descriptif de gouvernement d'entreprise et des mécanismes de contrôle interne sur la gestion des risques et la lutte contre le blanchiment d'argent ;
- une description de l'organisation structurelle et notamment le recours à des agents et succursales ;
- l'identité des personnes détenant une participation dans la société, ainsi que celle des dirigeants et responsables de la gestion ;
- l'identité des contrôleurs légaux et cabinets d'audit ;
- les statuts de l'EME et l'adresse de son siège.

L'article 10 de la "DSP" prévoit les conditions d'octroi de l'agrément et notamment :
- l'exigence d'obtenir l'agrément avant tout début d'activité ;
- la conformité du dossier de demande avec les exigences de l'article 5 précité et la possibilité pour les autorités de contrôle d'interroger la banque centrale nationale ou toute autre autorité publique concernée ;
- l'obligation de disposer d'un solide gouvernement d'entreprise et notamment d'une structure organisationnelle claire avec un partage transparent des responsabilités ;
- le respect de la qualité des actionnaires et de l'actionnariat conforme aux exigences de gestion saine et prudente ;
- l'absence de toute entrave à la mission de contrôle des autorités compétentes, notamment par le biais de relations avec des Etats tiers ou des personnes morales tierces.

Le délai d'examen de la demande d'agrément est également de trois mois (art. 11 "DSP)", le refus devant être motivé.

De même, la "DME 2" se réfère encore à la "DSP" pour régir :
- les conditions de retrait de l'agrément ("DSP", art. 12) ;
- la création d'un registre enregistrant l'immatriculation des EME et de leurs agents et succursales ("DSP", art. 13) ;
- les conditions de maintien de l'agrément et l'obligation d'informer les autorités compétentes de toute modification substantielle ("DSP", art. 14 - dispositions renforcées à l'article 3 "DME 2") ;
- l'application des Directives et Règlements sur les normes comptables internationales et l'obligation d'avoir recours à des cabinets d'audit et commissaires aux comptes ("DSP", art. 15).

Au titre des autres exigences, la "DME 2" reprend le régime des établissements de paiement et notamment :
- la désignation des autorités compétentes chargées de l'agrément et du contrôle prudentiel ("DSP", art. 20) qui seront en conséquence les mêmes pour les trois catégories d'établissements ;
- les modalités de contrôles des EME par les autorités compétentes désignées, par exemple des pouvoirs d'inspection et d'audit sur place, la possibilité de se faire communiquer tous documents et d'émettre des avis, consultations, dispositions administratives contraignantes ou des mesures de sanction comme la suspension ou le retrait de l'agrément (article 21 DSP) ;
- le respect du secret professionnel strict afin de protéger le droit des particuliers et des entreprises ("DSP", art. 22) ;
- la possibilité d'exercer un recours contre toute décision défavorable ou carence des autorités de contrôle ("DSP", art. 23), ce point méritant toute attention en ce que la Directive oblige les autorités de contrôle à statuer dans une limite de temps prédéfinie de trois mois, la décision de refus d'agrément faisant grief et étant susceptible de recours. En pratique, ce type de recours est extrêmement rare pour des raisons essentiellement politiques et commerciales ;
- les échanges d'information entre les Etats membres et autorités compétentes (article 24 DSP) ;
- le régime de la liberté d'établissement dans un autre Etat membre dit aussi "passeport européen" ("DSP", art. 25).

Ainsi, la Directive "monnaie électronique 2" n'innove pas sur le régime de la monnaie électronique quant au fond mais confère à ces établissements un même statut propre et autonome garantissant un agrément cette fois distinct de celui des établissements de crédit auxquels il n'est plus fait référence expresse.

A noter que la "DME 2" a pris soin de reprendre les dispositions relatives aux changements de contrôle (article 2) en complément des références expresses à la "DSP" afin de souligner l'importance des garanties que l'établissement doit apporter en matière de gestion saine et prudente et de transparence dans sa gouvernance.

1° - Des exigences en capital initial et fonds propres moins lourdes mais seulement en apparence

Jusqu'à la "DME2", les établissements de monnaie électronique devaient, pour se constituer justifier :
- d'un capital initial constitué des parts souscrites par les associés ou d'autres apporteurs dans son capital propre (Directive 86/635/CE du 8 décembre 1986, art. 22 N° Lexbase : L9724AUP), dans la mesure où il a été versé, auquel est ajouté le compte des prime d'émission, à l'exclusion des actions préférentielles cumulatives ("DME 1", art. 34) ;
- de fonds propres constitués par les réserves au sens de l'article 23 de la Directive 86/635/CE précitée et les résultats reportés par affectation du résultat final.

Le capital initial ne pouvait être inférieur à 1 million d'euros et les fonds propres devaient être à tout moment égaux ou supérieurs à un montant de 2 % du plus élevé des deux montants suivants :
- le montant courant ou
- le montant moyen, au cours des six mois qui précèdent, du total des engagements financiers liés à la monnaie électronique en circulation.

En outre, les établissements de paiement devaient justifier de placements limités d'un montant au moins égal à leurs engagements financiers liés à la monnaie électronique en circulation et uniquement dans les actifs limitativement énumérés à l'article 5 de la "DME 1", et ce afin de couvrir les risques du marché.

Cet arsenal très lourd et contraignant a naturellement freiné la création des établissements de monnaie électronique.

La "DME2" assouplit considérablement les exigences en fonds propres et capital initial.

Ainsi, le capital initial exigé passe d'un million à 350 000 euros ("DME 2", art. 4).

Les fonds propres sont définis de façon identique, avec une référence à la nouvelle Directive refondue 2006/48/CE du 14 juin 2006 (N° Lexbase : L1385HKI) et doivent :
- être calculés selon l'une des trois méthodes préconisées par la directive services de paiement (DSP, art. 8 § 1 et 61) pour les activités de service de paiement des établissements de monnaie électronique ;
- être calculés selon une quatrième méthode édictée à l'article 5 § 3 de la "DME 2" pour l'activité d'émission de monnaie électronique, reprenant le seuil de 2 % minimum de la moyenne de la monnaie électronique en circulation.

Ainsi, si le régime paraît calqué sur celui des établissements de paiement, c'est surtout parce que l'établissement de monnaie électronique peut être d'abord un établissement de paiement qui pourra en supplément émettre de la monnaie électronique : pour ce type d'activité, les exigences en matière de fonds propres sont restées quasi identiques que dans la "DME 1" ce qui ne doit pas cacher des exigences prudentielles relativement élevées.

Dans ces circonstances, l'article 5 § 5 de la "DME 2" précise ainsi que les autorités compétentes peuvent, sur la base d'une évaluation des process de gestion des risques, des bases de données concernant les risques de pertes et des dispositifs de contrôle interne de l'établissement de monnaie électronique, exiger que l'établissement de paiement détienne un montant de fonds propres pouvant être jusqu'à 20 % supérieur au montant qui résulterait de l'application de la méthode A, B ou C dans le cadre de l'offre de services de paiement, de même pour la méthode D liée à l'activité d'émission de monnaie électronique. Aussi la diminution du capital social initial ne doit pas cacher les exigences maintenues en fonds propres qui peuvent être très élevées.

L'article 5 § 6 prévient ainsi de toute manipulation possible d'éléments éligibles pour le calcul de fonds propres et ce afin de garantir une parfaite effectivité aux méthodes de calcul. En revanche, le paragraphe suivant dispense éventuellement de ces contraintes si le mécanisme de surveillance et d'agrément de l'établissement de monnaie électronique est intégré dans celui d'un établissement de crédit (article 5 § 7).

De même, l'article 7 de la "DME2" prévoit un dispositif précis d'obligation de protection des fonds reçus en échange de la monnaie électronique émise.

B - Un champ d'activités élargi, en concurrence directe avec les établissements de paiement

Dans la "DME 1", l'établissement de monnaie électronique pouvait seulement :
- émettre des moyens de paiement sous la forme de monnaie électronique ;
- fournir des services financiers et non financiers liés à l'émission de monnaie électronique, émettre et gérer d'autres moyens de paiement à l'exclusion de l'octroi de toute forme de crédit ;
- stocker des données sur le support électronique pour le compte d'autres entreprises ou institutions publiques (art. 1 § 3 a) et § 5).

L'article 6 de la "DME 2" vient renforcer le dispositif en le clarifiant et en étendant le champ des activités pouvant être mises en oeuvre par les établissements de monnaie électronique. Ainsi, un EME peut désormais :
- exercer la même activité que les établissements de paiement dans la fourniture de services de paiement (renvoi express à l'annexe de la Directive 2007/64/CE N° Lexbase : L5478H3B) ;
- octroyer des crédits liés aux services de paiement dans les mêmes conditions que les EP ;
- fournir la prestation de services opérationnels et de services auxiliaires étroitement liés à l'émission de monnaie électronique ou la prestation de services de paiement ;
- gérer des systèmes de paiement (notamment virement et prélèvement) ;
- exercer une autre activité commerciale, comme peuvent le faire les établissements de paiement dits hybrides.

Comme pour les établissements de paiement, en aucun cas les crédits ne peuvent être octroyés sur la base des fonds propres reçus en contrepartie de la monnaie électronique.

Ainsi, l'établissement de monnaie électronique peut aussi être un établissement de paiement mais en aucun cas un établissement de crédit. Au regard des exigences prudentielles quasi similaires et de l'intérêt substantiel de pouvoir émettre de la monnaie électronique au regard des évolutions du marché, ainsi que de la possibilité de recourir à des agents, il est fort probable que le statut d'établissement de paiement perde son intérêt, sauf à alléger les exigences prudentielles ou à en faire une catégorie de " super-agent " des établissements de monnaie électronique.

C - Le recours aux agents pour la distribution et le remboursement de monnaie électronique

Auparavant, il n'existait pas de procédure permettant à des entreprises de distribuer au nom et pour le compte des EME la monnaie électronique, ce qui relevait en droit interne du statut des intermédiaires en opérations de banques. Cette possibilité a été introduite par la Directive "services de paiement" à l'article 17 pour les établissements de paiement et c'est en toute logique qu'elle a été étendue aux établissements de monnaie électronique.

Ainsi, les articles 3 § 4 et 3 § 5 de la "DME 2" font une référence expresse à l'article 17 de la Directive services de paiement qui prévoit le régime applicable aux agents des établissements de paiement, ces agents devant être immatriculés sur un registre spécial par les EME et sous leur responsabilité. La "DME 2" précise ainsi que les EME peuvent distribuer et rembourser la monnaie électronique par l'intermédiaire de personnes physiques ou morales qui agissent pour leur compte mais ne peuvent en aucun cas émettre de monnaie électronique par l'intermédiaire de ces agents. La question se pose en pratique de la possibilité pour les distributeurs de cartes pré-payées, par exemple, de distribuer les cartes chargées au nom et pour le compte de l'émetteur, mais également la distribution de tickets de chargement de ces cartes qui permettent l'émission nouvelle de monnaie électronique. Il semblerait au regard du texte de la directive que cette seconde activité doive relever du monopole de l'EME et ne puisse être conférée à l'agent bien que ce dernier soit habilité à procéder au remboursement des unités stockées. Le droit français sur ce point a légiféré et dispose désormais que le rechargement peut faire partie des prérogatives de l'agent.

D - Le régime des EME exemptés et les activités hors champ de la Directive

Pour certaines catégories d'activités telles qu'étudiées précédemment (cf. nos obs., La transposition de la Directive "monnaie électronique 2" par la loi du 28 janvier 2013 : enfin un statut pour la monnaie électronique ? - Partie I : l'extension de la définition et du champ d'application de la monnaie électronique N° Lexbase : N6251BTP, II, B), les établissements ne seront pas concernés par la "DME 2", bien qu'ayant toutefois la qualification économique d'un établissement de monnaie électronique du fait de la nature de leur activité (notamment le chèque-service). Ces entreprises ne seront pas soumises à la demande d'agrément de l'EME et n'auront pas la qualification juridique d'EME. L'article 1 § 4 et 1 § 6 précise ainsi l'exclusion de l'application des dispositions de la Directive à la monnaie électronique générée par l'usage d'un terminal mobile ou informatique ou dans le cadre d'un réseau fermé, sans préciser d'autre régime déclaratif applicable.

Ensuite, la "DME 2" prévoit un système d'exemption optionnelle où cette fois les établissements seront des EME mais dispensés d'agrément sous deux conditions cumulatives ("DME 2", art. 9) :
- les activités commerciales dans leur ensemble génèrent une moyenne de monnaie électronique en circulation qui ne dépasse pas un plafond fixé en droit interne mais qui en tout état de cause ne peut être supérieur à 5 millions d'euros ;
- aucune des personnes physiques responsables de la gestion ou de l'exercice de l'activité n'a été condamnée pour des infractions liées au blanchiment des capitaux, au financement du terrorisme ou à d'autres délits financiers.

Néanmoins, cette exemption optionnelle est assortie d'un certain nombre d'exigences formelles, notamment l'obligation pour ces établissements de monnaie électronique, à discrétion du choix des Etats membres au moment de la transposition, d'imposer que le montant chargé sur l'instrument de paiement ou sur le compte de paiement du consommateur où est stockée la monnaie électronique ne dépasse pas un certain plafond.

Ces dispositions ont le mérite d'alléger les procédures pour les entreprises souhaitant se positionner sur le marché du micro-paiement, le reste du régime n'englobant a priori aucune restriction quant au montant du stockage ou aux montants faisant l'objet de la transaction.

II -La transposition en droit français

La section 5 de la loi de transposition, la plus substantielle, consacre l'introduction en droit français du statut de l'établissement de monnaie électronique sous un intitulé distinguant :
- les émetteurs de monnaie électronique, (nouveau chapitre V, titre II, livre V du Code monétaire et financier) ;
- et les établissements de monnaie électronique (nouveau chapitre VI, titre II, livre V du Code monétaire et financier).

Le Code monétaire et financier reprend ainsi la distinction européenne entre les établissements émettant de la monnaie électronique de droit, dont la Banque de France, l'institut d'émission des départements d'Outre-mer, le Trésor Public et la Caisse des Dépôts et consignations, lorsqu'ils émettent de la monnaie électronique (C. mon. fin., art. L. 525-2 N° Lexbase : L1081IWX), et l'émission de monnaie électronique par les EME et les établissements de crédit (C. mon. fin., art. L. 525-1 N° Lexbase : L1087IW8).

Cette distinction rappelle que les EME n'ont pas le monopole de l'émission de la monnaie électronique mais leur octroie un statut propre et autonome distinct notamment des établissements de crédit.

Les EME sont expressément exclus, comme les établissements de paiement, du statut d'intermédiaire en opérations de banque (C. mon. fin., art. L. 519-1 [LXB= L1166IW4]) ; en revanche, ils peuvent faire appel à des intermédiaires en opérations de banque (IOB), conformément aux dispositions de l'article L. 519-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1165IW3).

A - L'émission et la distribution de monnaie électronique

Le Code monétaire et financier français a repris les activités exclues du champ d'application de la "DME 2"

- Ainsi pour les activités liées à l'émission de titres spéciaux soumis à un régime spécifique, le Code renvoie à une liste exhaustive qui sera fixée par décret et aux termes de laquelle les exploitants ne seront pas considérés comme des EME. Le texte assortit ce régime exclusif d'un mécanisme de contrôle renforcé par la Banque de France, les entreprises devant désormais fournir un rapport annuel à l'autorité de contrôle justifiant de la sécurité des titres spéciaux de paiement dématérialisé qu'elles émettent et gèrent (C. mon. fin., art. L. 525-4 N° Lexbase : L1083IWZ).

- En outre, sont toujours exclues l'émission et la gestion de monnaie électronique dans le cadre des réseaux dits fermés, cette fois cependant à condition que la capacité maximale de chargement du support électronique n'excède pas un montant qui sera fixé par décret (C. mon. fin., art. L. 525-5 N° Lexbase : L1084IW3).

A noter que sur ce point, le Code ne reprend pas la distinction opérée par la "DME 2" quant aux opérations de paiement par l'usage d'un appareil numérique, type téléphone portable ou informatique, alors même que l'article L. 311-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L4781IES) dispose expressément, pour les services de paiement, cette exclusion formelle.

Cette absence ne devrait néanmoins moins pas être préjudiciable au regard de la compréhension globale des textes mais une certaine ambiguïté demeure quant au régime déclaratif à mettre en place, expressément prévu pour les deux autres hypothèses.

Ainsi, allant au-delà des prescriptions de la "DME 2", le Code monétaire et financier prévoit un régime de déclaration préalable, sauf pour les cas où la monnaie électronique émise est délivrée exclusivement pour l'achat d'un bien ou d'un service dans le cadre d'un accord de franchise commerciale (C. mon. fin., art. L. 525-6 N° Lexbase : L1085IW4). Le délai d'examen de cette déclaration sera fixé par décret, le silence gardé par l'ACP valant acceptation. Cette acceptation tacite est à saluer au regard des délais d'instruction en pratique qui dépassent largement le délai de droit commun de 3 mois d'examen d'une demande d'agrément.

A titre préventif, le Code monétaire et financier prévoit une prohibition de principe de toute publicité mensongère entraînant une confusion, pour ces entreprises, sur la nature de leur statut qui ne saurait être celui d'un établissement de monnaie électronique (C. mon. fin., art. L. 525-7 N° Lexbase : L1086IW7).

C'est l'article L. 525-8 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1093IWE) qui prévoit le recours aux agents sans toutefois les nommer ainsi, n'autorisant, comme la "DME 2", que le recours à l'externalisation pour la mise en circulation de la monnaie électronique, y compris le rechargement (ce que ne prévoyait pas expressément la Directive, sur ce point cette intégration est à saluer) et le remboursement, à l'exclusion implicite de l'émission. L'article L. 525-9 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1088IW9) renvoie à des dispositions règlementaires sur le régime dit de l'externalisation. Comme pour le régime des agents d'établissements de paiement, l'agent d'EME devra prendre soin de spécifier la nature du mandat le liant avec l'EME afin de ne pas créer de confusion de statut, de même l'agent restera sous l'entière responsabilité, vis-à-vis des autorités de contrôle et du consommateur, de l'EME (C. mon. fin., art. L. 525-10 N° Lexbase : L1089IWA à L. 525-12).

Comme pour l'introduction du statut d'établissement de paiement et les arrêtés du 29 octobre 2009, la voie règlementaire nécessaire pour assurer la véritable transposition de la "DME 2" contiendra certainement un large dispositif de règles venant préciser, élargir ou restreindre les dispositions législatives d'ordre très général, en espérant que le délai ne soit pas aussi long que celui de la transposition de la Directive. La transcription dans le Code monétaire et financier très brève et renvoyant aux décrets d'application laisse soupçonner une transposition faite dans l'urgence qui ne devra pas se faire au détriment du marché et du développement sectoriel de la monnaie électronique.

B - Le nouveau statut des établissements de monnaie électronique (EME)

Le Code monétaire et financier consacre un entier nouveau chapitre au régime des établissements de monnaie électronique sous les articles L. 526-1 (N° Lexbase : L1113IW7) et suivants du Code monétaire et financier.

Le champ d'activités des établissements de monnaie électronique est élargi dans les mêmes conditions que celles prévues à la "DME 2", y compris la fourniture de services de paiement et l'octroi de crédit dans les mêmes conditions que les établissements de paiement. Le statut des établissements de monnaie électronique hybrides y est également clairement prévu (C. mon. fin., art. L. 526-3 N° Lexbase : L1095IWH), renvoyant aux dispositions réglementaires spéciales.

La "DME 2" est directement transposée, faisant l'objet de quelques aménagements spéciaux.

Ainsi, l'article L. 526-6 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1098IWL) prévoit que les EME doivent, comme les établissements de paiement, être tenus de s'affilier à un organisme professionnel affilié à l'association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

L'autorité de contrôle prudentiel (ACP) délivre les agréments. La terminologie de la garantie d'une "gestion saine et prudente" est reprise, là où la Directive mentionnait un véritable régime prudentiel (C. mon. fin., art. L. 526-8 N° Lexbase : L1100IWN). Pour les conditions de capital initial, l'article L. 526-9 (N° Lexbase : L1101IWP) renvoie une nouvelle fois à une fixation par voie réglementaire mais ce montant ne devrait pas être supérieur à 350 000 euros. Il en est de même pour le délai d'examen de la demande d'agrément, qui ne saurait être supérieur à trois mois.

L'article L. 526-19 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1111IW3) prévoit le système des exemptions d'agrément, notamment pour les EME dont le volume de monnaie électronique en circulation n'excède pas un montant qui sera fixé par décret. Cet article fixe, par ailleurs, avec certitude que pour ces établissements exemptés, le montant du stockage des unités de monnaie électronique sera plafonné. Ces établissements devront adresser à l'ACP un rapport périodique sur le respect des conditions leur permettant d'être exemptés.

Une deuxième section envisage les conditions du "passeport européen", à savoir la possibilité pour les EME implantés dans un Etat membre d'ouvrir une filiale en France ou réciproquement, au même titre que les établissements de paiement. L'article L. 526-21 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1119IWD) définit ainsi avec précision les expressions "autorités compétentes", "Etat d'origine", "Etat d'accueil" et "succursale", allant bien au-delà de l'article 3 de la "DME 2" qui renvoie expressément à l'article 25 de la "DSP". En outre, un accent est porté sur le risque lié au blanchiment des capitaux et au financement du terrorisme, l'ACP se réservant le droit de refuser une inscription en cas de soupçons.

La technique du passeport européen est souvent invoquée par les entreprises souhaitant se positionner sur le marché de la monnaie électronique, la France étant particulièrement connue pour appliquer des exigences prudentielles strictes. Le détail de ces définitions rappelle ainsi les limites de la technique au regard de la mission de contrôle de l'ACP.

Une troisième section envisage les dispositions prudentielles applicables aux EME, renvoyant pour l'essentiel à la voie réglementaire (C. mon. fin., art. L. 526-27 N° Lexbase : L1120IWE). Les exigences de fonds propres seront en conséquence fixées prochainement. Il y a lieu d'attendre des exigences relativement lourdes, au regard des dispositions de la "DME2" qui sont déjà en soi particulièrement encadrées. L'article L. 526-32 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L1125IWL) prévoit avec précision les conditions de protection des fonds déposés en vue de leur transformation immédiate en unités de monnaie électronique, et notamment l'ouverture de comptes distincts auprès d'un établissement de crédit, ainsi que la couverture par un contrat d'assurance spéciale. Ces deux contraintes ont déjà fortement handicapé le développement des établissements de paiement : en effet, il n'existe pas de produit d'assurance couvrant spécifiquement ce type d'activités et les établissements de crédit ont parfois refusé le partenariat avec les établissements de paiement pour des raisons stratégiques. Aucun autre système néanmoins permettant, par exemple, l'accès aux chambres de compensation n'a été mis en place.

Enfin, une quatrième et dernière section prévoit les dispositions relatives au secret professionnel, à la comptabilité et au contrôle légal des comptes. A noter que pour les EME hybrides, l'avis de l'ACP sur la désignation du commissaire aux comptes n'est pas requis (C. mon. fin., art. L. 526-39 N° Lexbase : L1131IWS).

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En conclusion, bien que la transposition de la "DME 2" ait été très attendue par les marchés, elle reste relativement décevante, d'une part, parce qu'elle est soumise à un arsenal d'application par voie réglementaire qui pourrait freiner le développement de l'activité, d'autre part, parce qu'elle est moins précise que la "DME 2". En revanche, fallait-il en attendre plus ? La monnaie électronique est un enjeu considérable pour le marché dit bancaire : en effet, témoin de la révolution des instruments de paiement, elle soulève des problèmes de traçabilité et de surveillance dont le contrôle semble parfois échapper aux autorités bancaires, dans une économie où les échanges vont de plus en plus vite. L'introduction de nouveaux mécanismes d'authentification comme le 3DSecure pour les cartes bleues n'est pas encore harmonisé au niveau européen que déjà de nouveaux entrants, du fait des révolutions technologiques, ambitionnent de modifier substantiellement le système des opérations de paiement pourtant fortement impacté, dans un sens positif, par la migration SEPA. Il semblerait que le droit s'essouffle de ces révolutions technologiques et que les exigences de prudence priment avant toute mise en oeuvre concrète. La monnaie électronique a certes gagné un statut mais le niveau d'exigences prudentielles reste le même, il se retrouve renforcé de sorte qu'il ne faut pas se leurrer sur la réelle capacité tant financière qu'organisationnelle qu'un établissement doit prouver avant d'obtenir l'agrément. Il persiste en outre une véritable différence culturelle entre la France et l'Angleterre, par exemple, où de nombreux établissements de paiement ont été créés. C'est aussi dans ce secteur novateur que les conceptions du marché et de la banque trouvent leurs limites au niveau de l'harmonisation européenne. Pourtant, cette transposition est un premier pas, dix ans après l'introduction de la monnaie électronique dans notre économie ; après tout, la révolution de l'e-commerce est décennale, le temps permettra peut-être d'assouplir la conception traditionnelle que la France attache encore au chèque et à la carte bancaire. C'est en tous cas à espérer.

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