Les assemblées générales sont régulièrement le théâtre de surprises : lutte de pouvoir, débordements, tensions… Les débats peuvent très vite s’envenimer et nécessiter la présence d’un huissier de justice qui aura pour mission de consigner les paroles et de « restaurer le calme » selon la formule employée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 février 2016.
En pratique, l’officier public et ministériel intervient fréquemment sur décision du juge, saisi par voie de requête. Pour autant, le temps peut manquer à l’avocat de rédiger cette requête, souvent parce qu’il a été saisi du dossier trop tardivement.
Dans cette hypothèse, se pose la question si le dirigeant d’une société ou d’une association peut unilatéralement requérir un huissier de justice afin de constater le déroulement d’une assemblée générale, sans solliciter l’approbation préalable de l’assemblée générale convoquée.
La question est cruciale pour les praticiens car le sort du procès-verbal de constat en dépend.
En effet, dans l’hypothèse où l’huissier de justice peut se dispenser de l’approbation de l’assemblée générale, mais qu’il la demande et qu’il essuie un refus, il croira faussement ne pas pouvoir effectuer ses constatations ! La preuve ne sera donc pas sauvegardée.
En revanche, dans le cas où l’huissier de justice doit demander l’approbation de l’assemblée générale, et qu’il effectue ses opérations en s’en dispensant, alors son procès-verbal de constat est susceptible d’être écarté des débats, et donc inutilisable.
Cela explique pourquoi l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 11 janvier 2022 est crucial. Dans cette affaire, des huissiers de justice avaient été requis par le conseil d’administration d’une association pour constater le déroulement d’une assemblée générale. Les officiers publics et ministériels avaient dressé constat sur demande unilatérale de cet organe, sans décision de justice ni approbation en début d'assemblée générale.
Les juges retiennent que le constat d’huissier n’appelle pas d’observation puisqu’ « Aucune disposition légale ou statutaire n'impose la désignation d'un huissier de justice pour assister à une assemblée générale d'association, uniquement par décision de justice ou de l'assemblée générale, ou sur approbation de celle-ci ».
Plus encore, la cour d’appel relève que l'article 13 des statuts confère au conseil d'administration 'des pouvoirs les plus étendus pour administrer l'association' et l'article 11 des statuts stipule que le président est le représentant de l'association pour les actes de la vie civile. Elle en conclut que les statuts permettent la désignation d'huissiers de justice par le président ès qualités, aux fins de constat dressé dans l'intérêt de l'association. Tel est donc le cas s'agissant de s'assurer de la régularité de la tenue des assemblées générales ».
Pour conclure, cet arrêt est très clair : même sans décision de justice, même sans approbation préalable de l’assemblée générale, un huissier de justice peut constater le déroulement d’une assemblée générale s’il est requis unilatéralement par un organe de la structure et dans l’intérêt de celle-ci.
Finissons sur une anecdote, le même arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 11 janvier 2022 enseigne également qu’un unique constat peut être signé par plusieurs huissiers d’une même étude… Comme quoi, les assemblées générales sont régulièrement le théâtre de surprises !
Réf : CA Paris, 4, 13, 11-01-2022, n° 19/15445, Confirmation (N° Lexbase : A93417HG)